La tente communautaire, installée sur la rue Cook, est autogérée par une dizaine de bénévoles réguliers. Parmi eux, il y a des francophones comme Camille Lacroix. Cette jeune montréalaise âgée de 22 ans donne un peu de son temps chaque semaine.
Arrivée à Victoria il y a deux ans, Camille a été frappée par la disparité des richesses et a souhaité s’impliquer auprès de sa communauté. En ce mardi après-midi ensoleillé, elle nettoie le bac de premiers secours, fait la conversation et récupère des donations. Un homme âgé, à vélo, vient d’apporter deux paires de chaussures. Une bénévole d’une autre organisation arrive les bras chargés de biscuits et autres pâtisseries.
« On voit vraiment que les gens qui viennent ici à la tente, on a les mêmes valeurs de respect, les mêmes valeurs d’entraide puis les mêmes valeurs sociales », dit Camille.
Anthony Bryan vit dans le parc de Beacon Hill depuis l’été dernier. Il est l’une des figures de la tente communautaire et connaît bien tous les bénévoles qui s’y croisent.
« C’est du monde de tous âges, c’est surtout du monde qui ont déjà été dans la rue. C’est du monde qui peut sympathiser (…) puis leur dire ouais j’ai déjà été ici moi aussi. Ça me tente de vous aider. »
Toute personne peut s’inscrire en ligne comme bénévole dans un document Google. Les rotations de nuit sont réservées aux bénévoles les plus expérimentés. Les bénévoles reçoivent une formation pour savoir allumer le propane, distribuer la nourriture, réagir en cas d’incident, etc.
« J’étais vraiment surprise de rencontrer autant de personnes francophones. »
Les francophones sont les bienvenus, notamment pour pouvoir discuter avec les travailleurs saisonniers du Québec qui se déplacent en fourgonnettes. Anthony explique voir un « nouveau gang de francophones » arriver quasiment chaque mois. « Il y a un gros déplacement du monde de Québec qui ont réussi à sortir parce qu’on va se le dire au Québec en ce moment c’est un peu merdique… »
Ces travailleurs saisonniers plantent des arbres, cueillent des cerises et travaillent dans des fermes de cannabis. Camille a elle aussi rencontré des francophones pendant ses rotations : « J’étais vraiment surprise de rencontrer autant de personnes francophones ici à la tente. Je trouve que c’est vraiment intéressant et ça apporte une ambiance chaleureuse, et inclusive, de savoir qu’il y a des gens qui parlent français ici. La barrière de la langue ça peut parfois être un obstacle. »
Lorsque Camille est arrivée à Victoria, elle a rencontré des difficultés à trouver un travail et un logement à cause de son anglais. Elle a travaillé « très dur pour être bilingue » et cette récente expérience de bénévolat lui a ouvert de nouvelles perspectives professionnelles. Actuellement employée dans la restauration, elle va débuter, à l’automne, un certificat en santé mentale et dépendances.
« Je suis vraiment reconnaissante pour toutes les expériences que j’ai eues ici à la tente, toutes les personnes que j’ai rencontrées. Toutes les personnes ici sont formidables. »
Camille dit n’avoir eu aucune expérience négative et invite les gens à dépasser leurs préjugés et venir faire un tour à la tente.
« Je ne me suis jamais sentie en danger à la tente parce que y a personne qui a pour désir de faire du mal. C’est juste qu’il faut savoir qu’il y a des gens ici qui ont des problèmes de santé mentale, des personnes qui sont beaucoup à risque et des personnes qui doivent gérer des situations très difficiles. Habiter dans le parc c’est pas facile », analyse-t-elle.
Plus que des vêtements, des repas ou des pansements, la tente communautaire réintroduits du lien social dans des parcours cabossés.
Pour l’instant, le permis d’occupation – délivré par la municipalité de la capitale – qui rend possibles ces instants de partage, expire le 31 mars.