Le commissaire à l’intégrité des Territoires du Nord-Ouest a accepté la version des faits du député, qui affirme avoir été contraint d’agir « sous pression ».
Accusé en aout 2021 d’avoir agi en conflit d’intérêts dans le cadre de ses fonctions au Bureau de régie de l’Assemblée législative, le député de Nunakput, Jackie Jacobson, a finalement été blanchi par le commissaire à l’intégrité des TNO. Selon le rapport d’enquête, rendu public le 6 janvier, le député aurait subi des pressions pour signer une déclaration sous serment vouée à discréditer une enquête du bureau de régie, dont il était membre.
« Je suis convaincu que les actions de M. Jacobson, aussi regrettables soient-elles, étaient une erreur de jugement commise de bonne foi. Il s’agit d’une base suffisante pour rejeter la plainte », conclut le commissaire à l’intégrité, David Philip Jones. Le député faisait face à des accusations d’infraction au code de conduite de l’Assemblée législative et à la Loi sur l’Assemblée législative et le conseil exécutif.
Des évènements entremêlés
En 2021, le Bureau de régie était chargé de superviser le déroulement de l’enquête menée par l’arbitre indépendant Ronald Barklay sur le député Steve Norn, accusé d’avoir enfreint le code de conduite de l’Assemblée législative.
En tant que membre du bureau, M. Jacobson a participé à une réunion par téléphone le 24 aout, alors qu’il était en déplacement, au cours de laquelle ont été partagés des conseils légaux privilégiés et confidentiels entourant cette affaire. Il a également participé à un vote concernant le déroulement du processus d’enquête.
Au lendemain de cette réunion, à la demande de l’avocat de M. Norn, Steven Cooper, M. Jacobson a signé une déclaration sous serment qui devait être utilisée pour discréditer ce même processus d’enquête. Puisque quelques heures seulement séparaient les évènements, le Bureau de régie soupçonnait le député d’avoir franchi ces étapes avant même de participer à la rencontre du 24 aout, et d'avoir passé cette entente sous silence, omettant ainsi de déclarer un conflit d'intérêt.
« Le Bureau craignait que M. Jacobson se soit aligné sur M. Norn et n’ait pas révélé pareil conflit d’intérêt, et qu’il ait continué de participer aux rencontres du bureau de régie durant lesquelles étaient partagés des conseils légaux privilégiés et confidentiels », explique-t-on dans le rapport.
Cette accusation a toutefois été rejetée, le commissaire ayant déterminé que les discussions ayant mené à cette déclaration sous serment ont eu lieu après la rencontre du bureau.
Contribution à une « attaque »
Au-delà de cette accusation, le Bureau de régie a déploré que M. Jacobson ait participé à une tentative visant à invalider le processus d'enquête visant Steve Norn, supervisé par ce même bureau. M. Norn a publiquement remis en question la légitimité de cette enquête, qui visait à déterminer s’il avait brisé un protocole d’isolement et s’il avait fourni de fausses informations à ce propos.
Se disant victime d’un « biais institutionnel », il a évoqué des motifs cachés à cette enquête, en dépeignant de possibles représailles pour avoir, en février 2021, accusé le greffier de l’Assemblée législative, Tim Mercer, d’imposer un climat de travail toxique. La déclaration sous serment fournie par M. Jacobson devait contribuer à incriminer M. Mercer.
« Le Bureau a fait valoir qu’en appuyant ainsi la demande de M. Norn, qui visait à disqualifier l’enquête de l’arbitre indépendant, M. Jacobson a attaqué le processus même que le bureau avant la responsabilité de superviser », lit-on dans le rapport.
« À mon avis, il aurait sans doute été préférable que M. Jacobson n’ait pas été impliqué dans le soutien d’une attaque contre le processus même auquel il avait participé pour régler les enjeux impliquant M. Norn », indique David Philip Jones dans son rapport. Toutefois, il affirme que le député « n’aurait pas signé cette déclaration s’il avait eu plus de temps pour la réviser et considérer son contenu, s’il n’avait pas été sous l’effet d’un stress personnel sérieux, et si Me Cooper n’avait pas exercé de pression ».
Assermentation sous pression
Selon son témoignage, M. Jacobson aurait d’abord refusé de fournir cette déclaration sous serment. Me Cooper aurait ensuite affirmé au député qu'il serait alors cité à comparaitre à Yellowknife dans le cadre des audiences entourant l’enquête sur Steve Norn. M. Jacobson dit avoir accepté parce qu’il craignait de visiter la capitale, où sévissait une importante éclosion de COVID-19, et qu’il était accaparé par des funérailles auxquels il allait assister avec sa femme.
En recevant une version de la déclaration – écrite par Me Cooper –, M. Jacobson aurait choisi de la faire lire par sa femme, se disant trop stressé et anxieux pour le faire lui-même. Cette dernière lui aurait assuré que le texte contenait les réponses qu’il a fournies par téléphone à l’avocat. Le député a assermenté cette déclaration le lendemain, par vidéoconférence.
Après coup, M. Jacobson aurait émis de « sérieuses préoccupations » quant à cette déclaration. Le texte fournis par la firme légale inclut des détails incriminants sur une altercation dont il a été témoin entre Tim Mercer et le ministre Shane Thompson.
« Bien que les détails de l’incident soient justes [aux yeux de M. Jacobson], la déclaration ne reflète pas sa vision de l’Assemblée législative et des employés qui appuient son travail, peut-on lire. Le ton du document ne reflétait pas non plus, à ses yeux, la relation de travail positive qu’il souhaite entretenir avec ses collègues ni son respect pour l’institution. »
Écoutez les explications du journaliste Thomas Ethier: