Lors du conseil municipal de ce jeudi 16 avril, les élus de la ville de Victoria ont validé une série de mesure en faveur d’une action d’envergure à destination des personnes sans-abris. La plus significative réside dans une injonction faite à la province de déployer ses pouvoirs d'urgence afin d’autoriser les réquisitions d’hébergement transitoire.
Fini la négociation. La maire de Victoria Lisa Helps a déclaré mercredi que la ville et ses partenaires, BC Housing et Island Health, se « heurtaient désormais à un mur », et que dans la quête de logement, les organisations locales avaient épuisé les recours volontaires. La ville décide donc de passer à la vitesse supérieure, en demandant à la province d’exercer ses pouvoirs d’urgence en vertu de la Loi sur le programme d’urgence, afin d’appliquer ses prérogatives en matière de réquisition de logement à destination des personnes vulnérables.
La ville demande également, dans le cas où la province n’est pas prête à déployer ses propres pouvoirs, que la municipalité soit autorisée à déclarer elle-même l’état d’urgence local et à exercer ces compétences.
« Sur l’avenue Pandora au centre-ville de Victoria, il y a plus de 120 tentes, non éloignées socialement. Beaucoup de gens ont déménagé ici lorsque leurs refuges ont réduit le nombre de places pour tenir compte de la distance sociale. Ces personnes ont des besoins complexes, notamment des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. La ville a obtenu 35 chambres d’hôtel et BC Housing 160. Parce que celles-ci ont été volontairement fournies par des hôtels (non réquisitionnés par ordonnance provinciale), les propriétaires d’hôtels ont dit très clairement qu’ils ne veulent pas que des personnes souffrant de problèmes de santé mentale ou de toxicomanie y emménagent » écrit la maire dans sa correspondance à destination du gouvernement provincial.
Les solutions d’hébergement temporaires sont également en rupture. Le parc Topaz a atteint sa capacité maximum, et le manque de moyens humains et financiers pour s’occuper des personnes vulnérables est désormais criant.
Cette lettre, adjointe à la motion, décrit la situation des personnes sans-abris ou vivant dans des espaces surpeuplés, notant que, après quatre semaines de restrictions COVID 19, ces résidents n’ont ni les moyens ni la possibilité d’observer les protections ou précautions sanitaires
Cette même correspondance, signée par un collège d’experts, d’organisations et d’acteurs du domaine de la santé, s’appuie sur les conclusions d’un rapport du commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies.
Ce dernier indique en introduction que « le logement est devenu la défense de première ligne contre le coronavirus. Le domicile a rarement autant été une question de vie ou de mort. Les gouvernements du monde entier insistent sur l’importance de “rester à la maison”, de “s’isoler”, de “prendre des distances physiques” et de “se laver les mains” pour aplanir la courbe pandémique et réduire les taux d’infection du coronavirus. Ces politiques reposent sur l’hypothèse que tout le monde a une maison avec des services d’assainissement adéquats. Pour les quelque 800 millions de personnes vivant dans le monde sans-abri, ce n’est pas le cas ».
La lettre poursuit en soulignant les mesures provinciales immédiates nécessaires pour fournir une réponse régionale efficace sur le terrain afin de protéger les plus vulnérables.
Il est d’abord demandé de mobiliser du logement et de mettre en œuvre le plan Housing First. Cela implique d’utiliser les pouvoirs d’urgence pour réquisitionner immédiatement les hôtels et les motels et financer les coûts, y compris les coûts de personnel, et de mobiliser des fonds pour l’achat régional de logements permanents tels que les logements vacants privés.
Le rapport invite par ailleurs à prendre des mesures visant à soutenir l’autodétermination des individus à « s’abriter sur place », en faisant cesser l’application des lois interdisant le camping dans toutes les municipalités, et en labélisant l’entretien des toilettes publiques, des installations d’hygiène et les espaces des parcs comme services essentiels.
Autres recommandations, veiller à ce que des postes de lavage des mains et des installations d’hygiène soient ouverts dans tous les lieux publics où les sans-abri sont actuellement rassemblés et financer des équipes de proximité pour soutenir les campements jusqu’à ce que des solutions de logement acceptables soient trouvées.
Et enfin, comme l’a déclaré sans équivoque le rapporteur des Nations Unies, « cesser l’expulsion forcée ou le démantèlement des campements autonomes de sans-abri. »
Concernant la crise des opioïdes, le rapport suggère de permettre un approvisionnement plus sûr afin de remplacer les drogues de rue toxiques en cas de double urgence de santé publique : « Les prescripteurs et les pharmaciens ont besoin de soutien et d’une orientation claire pour fournir un traitement aux patients dont la vie est en danger. Les nouvelles lignes directrices incluent l’accès aux opioïdes, aux benzos et aux stimulants sur ordonnance, mais l’accès au cannabis communautaire et aux programmes de gestion de l’alcool reste nécessaire » indique le rapport.
La décriminalisation des activités de survie est aussi recommandée. La motion demande que le ministre de la Sécurité publique ordonne aux forces de police de cesser immédiatement et pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire de dépenser des ressources pour faire respecter la simple possession et les infractions connexes.
Enfin, le Conseil a autorisé une subvention pouvant atteindre 50 000 $, provenant des fonds d’intervention COVID19 précédemment approuvés, vers des services de sensibilisation d’urgence pour les populations vulnérables que sont AVI, SOLID, Peers Victoria et Indigenous Harm Reduction Team.