« Cette plainte est vexatoire et n’a pas été déposée de bonne foi. » C’est ainsi que le commissaire à l’éthique des TNO décrit la plainte visant la ministre de la Santé et des Services sociaux, Diane Thom. Dans son rapport, le commissaire rejette la plainte et blanchit sur toute la ligne la ministre et le gouvernement de Caroline Cochrane, faisant plutôt porter le blâme au député de Nunakput, Jackie Jacobson, pour un recours abusif au processus de vérification.
Ce dernier a réclamé en juin une enquête au commissaire à l’éthique, en alléguant que la ministre aurait transgressé les règles de Santé publique qu’elle a elle-même instaurée, en ayant pris part, à la fin mars, à un rassemblement de dix personnes à son chalet d’Inuvik.
Comme le souligne d’emblée le commissaire à l’éthique David Jones, « l’allégation indiquant que Mme Thom a transgressé l’arrêté de santé publique interdisant les rassemblements intérieurs ne peut être retenue. Cette interdiction n’est pas entrée en vigueur avant le 10 avril. » En effet, avant cette date, le GTNO et l’administration de la santé publique recommandait fermement d’éviter tous rassemblements intérieurs, sans toutefois les interdire officiellement.
En regard des faits relevés dans le cadre de son enquête, M. Jones a déterminé que les plaintes dont a fait état M. Jacobson, dans une lettre d’abord divulguée par le journal Inuvik Drum, étaient en fait des messages du mari de la ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Grant Thom.
Le couple s’est récemment séparé. De plus, comme le souligne le rapport, Grant Thom et le député Jacobson entretiendraient des liens d’amitié de longue date.
Déboires conjugaux
Selon l’enquête du commissaire, M. Thom aurait émis les accusations contre sa femme à l’origine de la controverse. M. Thom a interpelé des députés et à des membres du personnel de l’Assemblée législative par des messages textes, des courriels et des appels téléphoniques. Les destinataires de ces messages sont la députée d’Inuvik Twin Lakes, Lesa Semmler, le greffier adjoint de l’Assemblée législative, Glen Rutland et le président de l’Assemblée législative, Frederick Blake Jr.
En plus d’accuser Mme Thom d’avoir enfreint des règles de la Santé publique, ces messages feraient état des problèmes personnels que M. Thom vivait alors avec son épouse.
Le rapport indique qu’en regard des témoignages recueillis, « M. Rutland, Mme Semmler et M. Blake n’ont pas interprété ces courriels, messages textes ou appels téléphoniques comme des plaintes formelles contre la ministre Thom. » De plus, le commissaire à l’éthique indique qu’aucun de ces intervenants n’a l’autorité de faire appliquer les arrêtés de santé publique.
La plainte formulée par M. Jacsobon stipulait également que la première ministre Caroline Cochrane aurait trompé les députés en encourageant Mme Thom à minimiser l’incident, et en camouflant la plainte. Cette dernière a affirmé ne jamais avoir reçu de plainte concernant la ministre Thom, ce qui a été corroboré par le commissaire à l’éthique.
« La déclaration de la première ministre Cochrane, indiquant que la ministre Thom n’a enfreint aucun arrêté de la santé publique, est juste. »
Dans la lettre du député Jacobson, la ministre de la Santé est également accusée d’avoir conduit une motoneige en état de facultés affaiblies. Cette plainte est rejetée, puisqu’aucune preuve n’aurait été fournie pour appuyer l’allégation.
Pas interdits, mais déconseillés
Dans une « ébauche d’excuses publiques » qu’a rédigée Diane Thom et qu’on retrouve dans des messages recopiés dans le rapport d’enquête, mais qui n’a finalement jamais été émise publiquement, la ministre de la Santé offre une reconstitution des évènements. Elle confirme s’être rendue en motoneige à son chalet, accompagnée par deux amis et indique y avoir ensuite été rejointe momentanément par des individus qu’elle identifie comme des cousins. Elle affirme avoir respecté l’éloignement physique alors recommandé par la Santé publique.
« Je conçois que, en tant qu’élue, particulièrement en tant que ministre de la Santé et des Services sociaux dans le contexte d’un État d’urgence sanitaire, mes actions sont sous surveillance et que dans certains cas, l’optique d’une situation peut mener à des spéculations de la part de résidents », peut-on y lire.
Dans son rapport, le commissaire à l’éthique juge que « tout comportement inapproprié de la ministre Thom durant les premiers stades de la pandémie était une erreur de jugement faite de bonne foi. À la fin mars et au début du mois d’avril, les considérations entourant la gravité de la pandémie de COVID-19 en étaient aux premiers stades […]. Nul ne peut, rétroactivement, critiquer des interactions sociales qui n’étaient pas interdites à ce moment-là. »
Le 20 mars, quelques jours avant la sortie de Mme Thom entre amis à son chalet, un premier cas de COVID-19 venait d’être dépisté aux TNO. Lors du point de presse organisé ce jour-là, la ministre déclarait: « Nous devons suivre à la lettre les recommandations de notre administratrice en chef de la santé publique alors qu’elle s’affaire à répondre à cette crise. Si vous ne le faites pas, vous faites du tort à nos collectivités et nuisez à notre réponse. »
Bien que les rassemblements intérieurs n’étaient pas encore formellement interdits au moment des faits allégués, l’administration de la santé publique recommandait dès le 22 mars d’annuler tous rassemblements intérieurs ou extérieurs, y compris les visites entre amis. Plusieurs commerces ont alors fermé leurs portes.
Abus de procédures
Le 17 juillet, en fin de journée, la première ministre des TNO a réagit au rapport du commissaire à l’éthique. Par voie de communiqué, Caroline Cochrane a déploré qu’on ait abusé des procédures de vérification indépendante.
« Je suis ravie qu’une autorité indépendante ait examiné tous les éléments liés à la plainte formulée par M. Jacobson et ait pris une décision impartiale quant à la véracité des allégations, affirme la première ministre. Cependant, je suis déçue que cette procédure officielle destinée à préserver la dignité et l’intégrité de l’Assemblée législative et de ses députés ait été manifestement utilisée pour des raisons sans rapport avec notre rôle ou notre travail en tant que gouvernement. [...] Ces allégations non fondées ont constitué une distraction majeure qui a accaparé l’attention des ministres, des députés et des fonctionnaires, les privant d’un temps précieux qui aurait pu servir à faire avancer divers travaux utiles aux résidents. »
Pour sa part, la ministre Diane Thom s’est dite soulagée des conclusions du commissaire à l’éthique. « Je prends mon rôle de ministre de la Santé et des Services sociaux très au sérieux et je m’engage à faire de mon mieux pour aider à protéger la santé de tous les résidents des TNO, indique la ministre dans le même communiqué. Les derniers mois ont été difficiles, tant sur le plan personnel que professionnel, et je me réjouis maintenant de pouvoir me concentrer sur la tâche que les électeurs d’Inuvik Boot Lake et les membres de l’Assemblée législative m’ont confiée. »