Depuis l’interruption du programme de formation pour interprètes-traducteurs, en 1996, aucun programme équivalent n’est offert aux TNO. Selon la Nation dénée, cette situation compromet l’accès aux institutions démocratiques pour les résidents des collectivités.
-Écoutez le topo de Thomas Ethier, présenté sur les ondes de Radio Taiga: -
La Nation dénée juge que le droit à l’accès aux travaux de l’Assemblée législative dans chacune des 11 langues officielles du Territoire n’est pas respecté. C’est ce qui est ressorti d’une consultation publique sur l’utilisation des langues officielles à l’Assemblée législative, menée en novembre par le Comité permanent des règles des procédures.
« La langue ne devrait pas être une barrière à la pleine participation des députés élus de l’Assemblée législative, incluant le droit de communiquer, le droit d’être compris, et le droit de comprendre », résume le bureau de la Nation dénée, dans l’un des trois mémoires déposés au comité.
Des interprètes à disponibilité variable
Dans ces trois documents — soumis par la Nation dénée, par la Première Nations des Dénés Yellowknives, ainsi que par l’interprète Mary-Rose Sundberg — chacun des intervenants déplore l’absence fréquente de services d’interprètes lors des sessions de l’Assemblée législative, aux moments où des députés choisissent de s’y exprimer dans une langue officielle autre que l’anglais.
Une vérification du journal des débats de l’Assemblée démontre que, depuis le début de la 17e législature des TNO, en novembre 2011, près de 270 interventions en chambre faites dans l’une ou l’autre des langues officielles autres que l’anglais n’ont pu être interprétées, et n’ont donc pu être comprises de l’ensemble des députés.
Cet enjeu aura culminé le 10 mars 2020. Soumis à un point d’ordre en chambre, le député de Monfwi, Jackson Lafferty, a présenté sa défense dans sa langue, le tłı̨chǫ. Or, l’interprète n’était pas disponible ce jour-là. Le député n’a donc pas pu bénéficier de son droit à se faire comprendre par les membres de l’Assemblée dans la langue officielle de son choix. C’est en regard de cet évènement que le Comité permanent des règles et des procédures a décidé d’étudier cet enjeu et de convier les communautés linguistiques à cette consultation publique.
Aucun programme de formation
Les trois parties prenantes ont souligné à grands traits l’interruption, en 1996, du programme de formation en traduction/interprétation, jusqu’alors offert au Collège Aurora. Le gouvernement des TNO expliquait alors cette décision par un manque d’intérêt des étudiants reflété dans le peu d’inscriptions au programme. Or, selon la Nation dénée, les résultats d’un sondage qu’avait alors effectué le gouvernement démontraient plutôt que les étudiants souhaitaient être formés dans leurs propres collectivités, afin de se rapprocher de leurs mentors.
Selon l’interprète Mary-Rose Sundberg, l’absence d’un tel programme met en jeu la disponibilité comme la qualité des services d’interprétation. « Si vous embauchez des interprètes sans formation, vous n’aurez pas d’interprétations de qualité. Le public n’aura pas, non plus, accès aux annonces et aux messages gouvernementaux dont ils ont besoin. » L’interprète souligne également dans son mémoire que l’ancienne Commissaire aux langues, Shannon Gullberg, a recommandé à l’Assemblée législative que ce programme soit réinstauré.
Le Bureau du commissaire aux langues des TNO ne s’est pas prononcé dans le cadre de ces consultations publiques, puisqu’aucun commissaire n’est présentement en poste. Shannon Gullberg a pris sa retraite le 31 octobre 2020. Un nouveau commissaire aux langues pourrait être désigné en 2021.
La FFT s’abstient, pour l’instant
En plus de recueillir des mémoires, le Comité permanent des règles et des procédures a également tenu une audience publique, le 17 novembre. Aucune organisation n’a toutefois répondu à l’appel.
Invitée à représenter la communauté francophone lors de cette audience, la directrice générale, Linda Bussey, a choisi de ne pas intervenir, que ce soit en personne ou par écrit. Elle a plutôt suggéré l’intervention de l’organisme Média Ténois — qui rassemble Radio Taiga et L’Aquilon — qui a offert une présentation au Comité.
Comme l’explique Mme Bussey, la FFT préfère émettre ses recommandations dans le cadre des consultations entourant la révision de la Loi sur les langues officielles, qui auront lieu dans les prochains mois. « La FFT ne travaille pas directement avec l’Assemblée législative ; elle travaille avec des associations comme la commission scolaire ou les services de santé, a souligné Mme Bussey. Ce sont surtout les médias qui travaillent avec l’Assemblée législative, et l’intervention de Média Ténois m’apparaissait donc plus appropriée. »
Traduction du Hansard
Questionnée par Radio Taïga sur les lacunes observées par la FFT quant à l’accès aux séances de l’Assemblée législative dans toutes les langues officielles par les résidents, Mme Bussey relève un enjeu particulier : l’accès au journal des débats — appelé « Hansard » — qui n’est présentement offert qu’en anglais.
C’est également ce que soutient le bureau de la Nation dénée. « Tous documents devraient être offerts, de façon proactive, dans toutes les langues officielles des TNO. Les résidents ne devraient pas devoir en faire la demande au préalable », peut-on lire dans le mémoire présenté au Comité.
« C’est un manque. Le Hansard devrait être traduit, et ce, non seulement en français, mais dans chacune des 10 langues officielles des Territoires du Nord-Ouest autres que l’anglais, affirme Mme Bussey. C’est certain que cela fera partie de nos recommandations, dans le cadre de la révision de la Loi sur les langues officielles. Le gouvernement des TNO devra faire des tables rondes, y inviter la communauté à s’exprimer sur la Loi. Je vais alors m’assurer d’être présente dès que nous aurons la chance de déposer des documents. Nous serons alors investis à 150 %. »
Dans le cadre des travaux du Comité permanent sur les règles et procédures, Médias Ténois a été invité à faire une présentation concernant l’usage des langues officielles à l’Assemblée. C’est le rédacteur en chef, Batiste Foisy, qui s’est prêté à l’exercice. Nous avons choisi de ne pas citer la présentation de M. Foisy dans ce reportage. Un enregistrement de la séance — en anglais — est accessible sur le site de l’Assemblée.